Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/11

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tous les monopoles, la consolidation de la féodalité mercantile, la solidarité de toutes les tyrannies comme de toutes les misères. Je terminerai par la solution théorique de cette antinomie, solution connue dans tous les siècles, sous le nom de balance du commerce.

Les arguments qu’on fait valoir en faveur de la liberté absolue du commerce sont connus : je les accepte dans toute leur teneur ; il me suffira donc de les rappeler en quelques pages. Laissons parler les économistes eux-mêmes.

« Supposez les douanes inconnues, que se serait-il passé ?

» D’abord, on avait une infinité de guerres sanglantes de moins ; les délits de la fraude et de la contrebande n’existaient pas, non plus que les lois pénales faites pour leur répression : les rivalités nationales nées des intérêts rivaux du commerce et de l’industrie sont inconnues ; il n’y a que des frontières politiques ; les produits circulent de territoire à territoire sans entraves, au plus grand profit des producteurs ; les échanges se sont établis sur une vaste échelle ; les crises commerciales, l’encombrement, la pénurie sont des faits exceptionnels ; les débouchés existent dans la plus vaste acception du mot, et chaque producteur a pour marché le monde entier… »

J’abrège ici cette description, dégénérée en une fantaisie dont l’auteur, M. Fix, n’a d’ailleurs pas été dupe. Le bonheur du genre humain n’a pas tenu à si peu de chose qu’aux gabelous ; et quand la douane n’eût jamais existé, il aurait suffi de la division du travail, des machines, de la concurrence, du monopole et de la police, pour créer partout l’oppression et le désespoir.

Ce qui suit ne mérite aucun reproche.

« Supposons qu’à cette époque un citoyen de chaque gouvernement fût venu dire :

» J’ai trouvé un moyen de hâter et d’augmenter la prospérité de mes compatriotes ; et comme je suis convaincu de l’excellence des résultats de ma combinaison, mon gouvernement va l’appliquer immédiatement dans toute sa rigueur. À l’avenir vous n’aurez plus certains de nos produits, nous n’aurons plus que quelques-uns des vôtres ; nos frontières seront cernées par une armée qui fera la guerre aux marchandises ; qui repoussera totalement les unes, qui admettra les autres moyennant une formidable rançon ; qui fera payer tout ce qui osera entrer et sortir ; qui visitera les convois, les fourgons, les ballots, les caisses, et jusqu’aux paquets micro-