Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/107

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Bordeaux et un autre de Toulouse, ce qui triplera la garantie donnée à la lettre de change ; et ainsi de suite à l’infini, la garantie du titre, et par conséquent sa solidité, sa valeur commerciale, augmentant toujours, jusqu’à ce que, parvenu au terme de son échéance, il soit présenté au payement. La lettre de change est donc un véritable supplément de la monnaie, et un supplément d’autant plus certain, que la promesse acquiert, par la voie de l’endos, une garantie progressive, tellement qu’en certain cas le papier de commerce de première qualité est préféré à l’argent.

Avec la banque de dépôt, on s’est élevé à une autre abstraction : c’est la distinction de la monnaie de compte d’avec la monnaie courante.

L’argent, comme toute matière et marchandise, est sujet à usure, altération, larcin et fraude. D’autre part, la diversité des monnaies est un obstacle à leur circulation, et conséquemment une nouvelle cause d’embarras. On a fait disparaître ces difficultés en créant des dépôts publics, où toute espèce de monnaie était admise pour sa valeur intrinsèque et sous déduction d’un agio en compte-courant, et remplacée par des bons remboursables en monnaie d’aloi, jusqu’à concurrence du montant des dépôts. La banque d’Amsterdam, fondée en 1609, est citée comme le modèle des banques de dépôt.

Ainsi l’argent, représenté par un papier de nulle valeur intrinsèque, a pu circuler sans être sujet à rognure, usure ni agio, en un mot, sans éprouver de déficit, et avec la plus grande facilité.

Mais c’était peu d’avoir ainsi aplani la voie au numéraire : il fallait trouver moyen de le faire sortir des coffres ; et c’est à quoi l’on n’a pas manqué de pourvoir.

L’argent est la marchandise par excellence, le produit dont la valeur est la plus authentique et la mieux cotée ; par suite l’agent des échanges, le prototype de toutes les évaluations. Cependant, malgré ces éminentes prérogatives, l’argent n’est pas la richesse ; seul il ne peut rien pour notre bien-être : il n’est que le chef de file, le boute-en-train, si j’ose ainsi dire, des éléments qui doivent constituer la richesse.

Le capitaliste, dont la fortune consiste en argent, a donc besoin de placer ses fonds, de les échanger, de les rendre, autant que possible, productifs, et productifs d’argent, c’est-à-dire de toute espèce de choses. Et ce besoin de se défaire