Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/106

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produire. En termes plus clairs, pour avoir l’argent à meilleur marché, on a songé à faire des économies, d’un côté sur le transport par la lettre de change, d’autre part sur l’usure de la matière ainsi que sur le change, par la banque de dépôt ; enfin on a attiré le numéraire par la sécurité, en lui offrant la garantie du gage et de l’hypothèque.

Au moyen de la lettre de change, l’argent que je possède ou qui m’est dû à Saint-Pétersbourg pendant que je suis à Paris, est à ma disposition, comme si je le tenais ; et réciproquement la somme que je possède à Paris, et que je dois à Saint-Pétersbourg, existe à Saint-Pétersbourg.

Cette combinaison est une conséquence forcée du commerce ; elle marche à la suite de la production et de l’échange, comme l’effet à la suite de la cause ; et je ne conçois pas la manie des économistes, qui cherchent dans l’histoire la date de l’invention des lettres de change, et fixent cette date au douzième ou au treizième siècle, environ. La lettre de change, quelque barbare et irrégulière qu’en soit la rédaction, existe du jour où deux pays se trouvant en rapport, une somme peut être payée de l’un à l’autre, sur la simple reconnaissance de l’emprunteur ou l’invitation du créancier. Ainsi, rien n’empêche de voir avec M. Augier une lettre de change dans l’obligation signée à Tobie par son parent Gabélus, obligation qui fut acquittée par ledit Gabélus entre les mains de Tobie le jeune, porteur de l’obligation, tout à fait inconnu du souscripteur. Ce fait, qui d’après la légende a dû se passer en Asie cinq ou six siècles avant Jésus-Christ, montre qu’à cette époque les opérations de change et d’escompte n’étaient pas organisées entre Ragès et Ninive : mais le principe était dès lors connu, la conséquence pouvait facilement être tirée, ce qui suffit pour le moment à notre thèse.

Tout le monde connaît les avantages du change, et à quelle masse de numéraire il supplée. Un négociant de Marseille doit 1,000 fr. à un négociant de Lyon, lequel doit à son tour à un négociant de Bordeaux, 1,000 fr. Il suffit, pour que le négociant de Lyon se rembourse de sa créance et paye en même temps sa dette, qu’il adresse à son correspondant de Bordeaux une lettre de change tirée par lui sur le négociant de Marseille, laquelle par conséquent représente, sous la double garantie du Marseillais et du Lyonnais, la somme de 1,000 fr. La même opération pourra se répéter, avec la même lettre de change, entre le commerçant de