Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/185

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La propriété est le produit spontané de la société ; et la dissolution de la société.

La propriété est une institution de justice ; et la propriété, c’est le vol.

De tout cela il résulte qu’un jour la propriété transformée sera une idée positive, complète, sociale et vraie ; une propriété qui abolira l’ancienne propriété, et deviendra pour tous également effective et bienfaisante. Et ce qui le prouve, c’est encore une fois que la propriété est une contradiction.

De ce moment la propriété commença d’être connue : sa nature intime fut dévoilée, son avenir prévu. Et toutefois l’on put dire que le critique n’avait rempli que la moitié de sa tâche, puisque, pour constituer définitivement la propriété, pour lui ôter son caractère d’exclusion et lui donner sa forme synthétique, il ne suffisait pas de l’avoir analysée en elle-même, il fallait encore retrouver l’ordre d’idées dont elle n’était qu’un moment particulier, la série qui l’enveloppait, et hors de laquelle il était impossible ni de comprendre, ni d’entamer la propriété. Sans cette condition, la propriété, gardant le statu quo, restait inattaquable comme fait, inintelligible comme idée ; et toute réforme entreprise contre ce statu quo ne pouvait être, à l’égard de la société, qu’une reculade, sinon peut-être un parricide.

Qu’on daigne réfléchir, en effet, qu’au moment où nous écrivons la propriété est tout encore pour notre science législative comme pour nos habitudes économiques ; que hors de la propriété, malgré les efforts tentés dans ces derniers temps par le socialisme, on ne conçoit, on n’imagine rien ; que ni dans la jurisprudence, ni dans le commerce et l’industrie on ne découvre d’issue ; que la propriété détruite, la société tombe dans une désorganisation sans fin, et que, pour avoir appris à connaître la propriété dans sa nature antinomique, nous n’en savons pas mieux comment elle réalisera sa formule définitive, comment de l’ordre actuel sortira un ordre nouveau dont rien au monde ne nous donne encore l’idée ; qu’on pense, dis-je, à toutes ces choses, et puis qu’on demande comment, par la seule vertu de l’antinomie, de l’organisation présente, qui épuise à la fois notre expérience et notre raison, nous arriverons à déterminer une forme sociale pour laquelle nous manquons également d’idées et de faits ?

Il faut le reconnaître : l’antinomie, en démontrant ce qu’est en soi la propriété, a dit son dernier mot, elle ne peut aller