Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/191

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teur, possideo quia possideo ; je dis avec le philosophe, possideo quia possides.

Nous verrons par la suite que l’égalité par la propriété est tout aussi chimérique que l’égalité par le crédit, le monopole, la concurrence, ou toute autre catégorie économique ; et qu’à cet égard le génie providentiel, tout en recueillant de la propriété les fruits les plus précieux et les plus inattendus, n’en a pas moins été trompé dans son espérance, et s’est aheurté à l’impossible. La propriété ne contient ni moins ni plus de vérité que tous les moments qui la précèdent dans l’évolution économique ; comme eux elle contribue, en proportion égale, au développement du bien-être et à l’accroissement de la misère ; elle n’est pas la forme de l’ordre, elle doit changer et disparaître avec l’ordre. Tels les systèmes des philosophes sur la certitude, après avoir enrichi la logique de leurs aperçus, se résolvent et disparaissent dans les conclusions du sens commun.

Mais enfin la pensée qui a présidé à l’établissement de la propriété a été bonne : nous avons donc à rechercher ce qui justifie cet établissement, en quoi la propriété sert la richesse, quelles sont les raisons positives et déterminantes qui l’ont amenée.

Rappelons d’abord le caractère général du mouvement économique.

La première époque a eu pour but d’inaugurer le travail sur la terre par la séparation des industries, de faire cesser l’inhospitalité de la nature, d’arracher l’homme à sa misère originelle, et de convertir ses facultés inertes en facultés positives et agissantes, qui fussent pour lui autant d’instruments de bonheur. Comme dans la création de l’univers la force infinie s’était divisée ; ainsi, pour créer la société, le génie providentiel divisa le travail. Par cette division, l’égalité commence à se manifester, non plus comme identité dans la pluralité, mais comme équivalence dans la variété ; l’organisme social est constitué en principe, le germe a reçu l’impulsion vivifique, l’homme collectif vient à l’existence.

Mais la division du travail suppose des fonctions généralisées et des fonctions parcellaires : de là inégalité de conditions parmi les travailleurs, abaissement des uns, élévation des autres ; et dès la première époque, l’antagonisme industriel remplace la communauté primitive.

Toutes les évolutions subséquentes tendent à la fois, d’une part à ramener l’équilibre des facultés, de l’autre à déve-