Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/192

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lopper toujours l’industrie et le bien-être. On a vu comment, au contraire, l’effort providentiel aboutit toujours à un progrès égal et divergent de misère et de richesse, d’incapacité et de science. A la seconde époque, apparaissent le capital et le salariat, la répartition égoïste et injurieuse ; à la troisième, le mal s’aggrave par la guerre commerciale ; à la quatrième, il se concentre et se généralise par le monopole ; à la cinquième, il reçoit la consécration de l’état. Le commerce international et le crédit viennent à leur tour donner un nouvel essor à l’antagonisme. Plus tard, la fiction de la productivité du capital devenant, par la puissance de l’opinion, presque une réalité, un nouveau péril menace la société, la négation du travail même par le débordement du capital. C’est en ce moment, c’est de cette situation extrême, que naît théoriquement la propriété : et telle est la transition qu’il s’agit pour nous de bien connaître.

Jusqu’à présent, si l’on fait abstraction du but ultérieur de l’évolution économique, et à la considérer seulement en elle-même, tout ce que fait la société, elle le fait alternativement pour le monopole et contre le monopole. Le monopole a été le pivot autour duquel s’agitent et circulent les divers éléments économiques. Cependant, malgré la nécessité de son existence, malgré les efforts sans nombre qu’il a faits pour son développement, malgré l’autorité du consentement universel qui l’avoue, le monopole n’est encore qu’un provisoire ; il est censé, comme dit Kant, ne durer qu’autant que le titulaire sait l’exploiter et le défendre. C’est pour cela que tantôt il cesse de plein droit par la mort, comme dans les fonctions inamovibles, mais non vénales ; tantôt il est réduit à un temps limité, comme dans les brevets ; tantôt il se perd par le non-exercice, ce qui a donné lieu aux théories de la prescription, ainsi qu’à la possession annuelle, encore en usage chez les Arabes. D’autres fois, le monopole est révocable à la volonté du souverain, comme dans la permission de bâtir sur un terrain militaire, etc. Ainsi le monopole n’est qu’une forme sans réalité ; le monopole tient à l’homme, il n’emporte pas la matière : c’est le privilège exclusif de produire et de vendre, ce n’est pas encore l’aliénation des instruments de travail, l’aliénation de la terre. Le monopole est une espèce de fermage qui n’intéresse l’homme que par la considération du profit. Le monopoleur ne tient à aucune industrie, à aucun instrument de travail, à aucune résidence : il est cosmopolite et omni-fonctionnaire ; peu lui importe.