Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion de lui-même. La physiologie représente, quoique imparfaitement, cette dualité, dans sa distinction si connue de la vie organique et de la vie de relation. Dieu n’existe pas seulement dans la société, il est dans toute la nature : mais c’est seulement dans la société que Dieu est aperçu, par son opposition avec l’être progressif ; c’est la société, c’est l’homme qui par son évolution fait cesser le panthéisme originel, et c’est pourquoi le naturaliste qui se plonge et s’absorbe dans la physiologie et la matière, sans étudier jamais ni la société ni l’homme, perd peu à peu le sentiment de la divinité. Tout est Dieu pour lui, c’est-à-dire, il n’y a point de Dieu.

Dieu et l’homme, divers de nature, se distinguent donc par leurs idées et leurs actes, en un mot, par leur langage.

Le monde est la conscience de Dieu. Les idées ou faits de conscience, en Dieu, sont l’attraction, le mouvement, la vie, le nombre, la mesure, l’unité, l’opposition, la progression, la série, l’équilibre : toutes ces idées conçues et produites éternellement, par conséquent sans succession, prévoyance ni erreur. Le langage de Dieu, les signes de ses idées, sont tous les êtres et leurs phénomènes.

Les idées ou faits de conscience, chez l’homme, sont l’attention, la comparaison, la mémoire, le jugement, le raisonnement, l’imagination, le temps, l’espace, la causalité, le beau et le sublime, l’amour et la haine, la douleur et la volupté. Ces idées, l’homme les produit au dehors par des signes spécifiques : langues, industrie, agriculture, sciences et arts, religions, philosophies, lois, gouvernements, guerres, conquêtes, cérémonies joyeuses et funèbres, révolutions, progrès.

Les idées de Dieu sont communes à l’homme, qui vient de Dieu comme la nature ; qui n’est même que la conscience de la nature ; qui prend les idées de Dieu pour principes et matériaux de toutes les siennes, et convertit en son être et s’assimile incessamment la substance divine. Mais les idées de l’homme sont étrangères à Dieu, qui ne comprend pas notre progrès, et pour qui tous les produits de notre imagination sont des monstres, des néants. C’est pourquoi l’homme parle la langue de Dieu comme la sienne propre, tandis que Dieu est impuissant à parler la langue de l’homme ; et nulle conversation, nul pacte entre eux, n’est possible. C’est pourquoi tout ce qui dans l’humanité vient de Dieu, s’arrête à Dieu ou retourne à Dieu, est hostile à l’homme, nuisible à son développement et à sa perfection.