Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/326

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alors, ferai-je observer aux économistes, que la misère venue à la suite des machines, après l’institution du capital et du salariat, ne tenait point à une cause invincible, de même que la misère engendrée par la division parcellaire et réprimée jusqu’à certain point par la mécanique, n’avait rien aussi de fatal. Plus nous avançons, plus la misère nous apparaît avec un caractère de contingence et d’anomalie, avec des intermittences et des redoublements qui témoignent, non pas de l’inhumanité de la nature, mais de notre maladresse.

Qu’est-ce en effet que la concurrence, considérée de haut, dans les masses ? C’est une force pour ainsi dire toute métaphysique, par laquelle les produits du travail diminuent sans cesse de prix, ou ce qui revient au même, augmentent en quantité continuellement. Et comme les ressources de la concurrence, aussi bien que les améliorations mécaniques et les combinaisons distributives, sont infinies, on peut dire encore que la puissance productive de la concurrence, en intensité et en étendue, est sans bornes.

Une chose à considérer surtout, c’est que par la concurrence la production des richesses prend décidément le devant sur la procréation des hommes, ce qui fait du rapport établi par Malthus entre le progrès des subsistances et le progrès de la population un contresens économique, une théorie prise à rebours.

J’invoque sur ce point toute l’attention du lecteur.

Par la concurrence, chaque producteur est forcé de produire toujours à meilleur marché, ce qui veut dire toujours plus que le consommateur ne demande, par conséquent de fournir chaque soir garantie à la société de la subsistance du lendemain. Comment donc, dans un semblable système, est-il possible que la somme des subsistances tombe au-dessous des besoins de la population ?

Je suppose que deux hommes, isolés, sans instruments, disputant aux bêtes leur chétive nourriture, rendent une valeur égale à 2. Que ces deux misérables changent de régime et unissent leurs efforts par la division, par la mécanique qui en résulte, et par l’émulation qui vient à la suite. Leur produit ne sera plus comme 2, il sera comme 4, puisque chacun ne produit plus seulement pour lui, mais aussi pour son compagnon. Si le nombre des travailleurs est doublé, la division devenant en raison de ce doublement plus profonde qu’auparavant, les machines plus puissantes, la