Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/342

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duite enfin, par ces fausses données, à soutenir que le progrès dans la richesse reste toujours en arrière du progrès de la population, l’économie politique a été forcée de conclure par la prudence en l’amour, l’ajournement du mariage, et tous les moyens préventifs subsidiaires, sous peine, ajoutait-elle, de voir la nature elle-même suppléer, par une répression terrible, à l’imprévoyance de l’homme.

Or, quels étaient, au dire de l’économie politique, ces moyens de répression dont nous menaçait la nature ?

Au premier rang figurent, dans la société propriétaire et dans Malthus son interprète, la famine, la peste et la guerre, exécutrices des hautes-œuvres de la propriété. Que de gens, chrétiens et athées, économistes et philanthropes, sont convaincus, encore aujourd’hui, que tels sont en effet les émonctoires naturels de la population ! Ils acceptent, avec résignation, la justice sommaire du destin, et adorent en silence la main qui les frappe. C’est le quiétisme de la raison, soutenant de son inertie les arguments de l’égoïsme.

Cependant il est manifeste qu’un équilibre créé par de telles causes dénonce dans la société une profonde anomalie. Mais c’est précisément le point qui nous intéresse : En quoi, pourquoi, comment la famine, la guerre et la peste ne peuvent-elles être acceptées par la raison comme causes normales, naturelles et providentielles d’équilibre ? Qu’on daigne réfléchir avec nous une minute sur des choses en apparence si claires : la certitude de la théorie que nous aurons à produire à notre tour en dépend.

S’il est vrai que la société soit un être organisé, en qui la vie résulte du jeu libre et harmonique des organes, sans le secours d’aucune impulsion ni répulsion externe, il s’ensuit que la disette, les épidémies, les massacres, qui de temps à autre déciment la population, bien loin d’être des instruments d’équilibre, sont au contraire les symptômes d’une désharmonie intérieure, d’une perturbation de l’économie. La famine et l’engorgement sont à la société ce que la consomption et la pléthore sont au corps humain, et le terme d’obstacles dont s’est servi Malthus pour caractériser ces phénomènes, montre quelle fausse idée il se faisait de ce qui est organisme, économie et système.

Or, ce que nous disons de la famine et des autres prétendus moyens de répression de la nature, doit s’appliquer à tous les moyens analogues par lesquels l’homme s’efforce de venir en aide à la Providence dans cette œuvre de des-