Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/343

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truction : l’exposition des enfants, usitée chez tous les peuples de l’antiquité, et recommandée par plusieurs philosophes ; l’avortement et l’émasculation, consacrés jadis par la religion et les mœurs, et qui régnent encore en Orient et chez tous les barbares. Ces coutumes, aussi bien que les fléaux qui semblent leur avoir servi de modèles, ne sont que des témoignages de l’anarchie économique : le sens commun et la logique répugnent à y voir des instruments de la police éternelle, des moyens d’équilibre.

Ces principes établis, il est facile d’apprécier le mérite des divers systèmes d’assurance imaginés dansées derniers temps contre l’excès de la population et le manque de vivres, et par là de déterminer, d’une manière plus précise encore, le caractère spécifique de la loi que nous cherchons.

Je commence par Malthus.

Malthus, ayant analysé les causes naturelles qui selon lui préviennent ou répriment l’excès de population, trouvant que de toutes ces causes, les unes atroces, les autres immorales, aucune ne pouvait être attribuée à la Providence ni acceptée par la raison, appela de cette incapacité ou de cette violence inconcevable de la nature au libre arbitre de l’homme. Il prétendit qu’il était de la dignité comme de la destinée de notre espèce qu’elle se servît à elle-même de providence, qu’à l’homme il appartenait de renfermer dans de justes limites sa progéniture. L’ajournement du mariage jusqu’à la trentième ou quarantième année, voilà ce que Malthus, dans la candeur de son âme, imagina de plus utile, de plus philosophique et de plus moral, contre la population et ses débordements. La répression de l’amour, la famine du cœur, fut opposée par lui à la famine de l’estomac. C’est ce que dans son chaste langage il appela contrainte morale, par opposition à toutes les formes de contrainte physique, homicides ou obscènes, qu’il rejetait.

Les idées de Malthus ont été adoptées par les plus illustres d’entre les économistes, J. B. Say, MM. Rossi, Droz, et tous ceux qui, ne découvrant point d’issue à la difficulté, plaçaient toutefois l’héroïsme de la continence au-dessus des ravissements de la volupté. Au fond, l’on ne saurait disconvenir que la théorie de Malthus n’ait quelque chose de grand et d’élevé, qui la rend supérieure à tout ce que l’on a proposé depuis, ainsi que nous le ferons voir plus bas. Quant à présent, nous avons surtout à déterminer en quoi pèche cette théorie.