Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/358

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travail est l’émission de l’esprit. Travailler, c’est dépenser sa vie ; travailler, en un mot, c’est se dévouer, c’est mourir. Que les utopistes ne nous parlant plus de dévoûment : le dévoûment, c’est le travail, exprimé et mesuré par ses œuvres…

L’homme meurt de travail et de dévoûment, soit qu’il épuise son âme, comme le soldat de Marathon, dans un effort d’enthousiasme ; soit qu’il consume sa vie par un travail de cinquante ou soixante années, comme l’ouvrier de nos fahriques, comme le paysan dans nos campagnes. Il meurt parce qu’il travaille ; ou mieux, il est mortel parce qu’il est travailleur : la destinée terrestre de l’homme est incompatible avec l’immortalité…

Les animaux n’ont à bien dire qu’une manière de dépenser leur vie, qui du reste leur est commune avec l’homme : c’est la génération. Dans quelques espèces, la vie dure jusqu’à l’instant de la reproduction : cet acte suprême accompli, l’individu meurt ; il a épuisé sa vie, il n’a plus de raison d’existence. Dans les espèces dites travailleuses, telles que les abeilles et les fourmis, le sexe est réservé aux individus qui ne vaquent point au travail : les ouvrières n’ont point de sexe. Parmi les animaux que l’homme a soumis, ceux qu’il fait travailler avec lui perdent bientôt leur vigueur ; ils deviennent flasques et mous ; le travail est pour eux comme une vieillesse prématurée

En résultat, le travail n’est point la condition des bêtes ; et c’est pour cela que, l’homme supprimé, il y a solution de continuité dans la nature, mutilation, défaillance, et par suite tendance à la mort.

Dans la nature, l’équilibre s’établit par la destruction. Les herbivores, les rongeurs, etc., vivent sur le règne végétal, qu’ils consumeraient bientôt, s’ils ne servaient de pâture aux carnassiers, lesquels, après avoir tout dévoré, finiraient par périr en se dévorant les uns les autres. L’extermination apparaît donc comme loi de circulation et de vie dans la nature. L’homme, en tant qu’animal, est soumis à la même fatalité ; il dispute sa subsistance aux baleines et aux requins, aux loups, aux tigres, aux lions, aux rats, aux aigles, aux insectes, qu’il poursuit tous et qu’il tue. En fin de compte il se fait la guerre à lui-même, et se mange.

Mais ce n’est point ainsi que doit se clore le cercle de la vie universelle, et tout ce que la chimie moderne nous révèle à cet égard est un outrage à la dignité humaine. Ce n’est