pas sous la forme de sang et de chair que l’homme doit se nourrir de sa propre substance : c’est sous la forme de pain, c’est du produit de son travail. Hoc est corpus meum. Le travail, arrêtant les anticipations de la misère, met fin à l’anthropophagie ; au mythe féroce et divin succède la vérité humaine et providentielle ; l’alliance est formée par le travail entre l’homme et la nature, et la perpétuité de celle-ci assurée par le sacrifice volontaire de celui-là : Sanguis fœderis quod pepigit Dominus. Ainsi la tradition religieuse expire dans la vérité économique : ce qu’annonçait le sacrifice eucharistique de Jésus-Christ et de Melchisédech, ce qu’exprimait auparavant le sacrifice sanglant d’Aaron et de Noé, ce qu’indiquait plus anciennement encore le sacrifice humain de la Tauride, l’institution moderne du travail l’annonce de nouveau et le déclare : c’est que l’univers a été fondé sur le principe de la manducation de l’homme par l’homme, c’est, en autres termes, que l’humanité vit d’elle-même.
Mais si l’humanité, en vivant de son travail, vit pour ainsi dire de sa propre vie, la subsistance de l’humanité, par conséquent sa force vitale, est nécessairement proportionnée à son émission industrielle : or, quelle est la puissance de cette émission ?
Nous touchons au fait le plus considérable de toute l’économie politique, le plus digne d’exciter les méditations du philosophe : je veux parler de l’accroissement, ou pour mieux dire, de l’aggravation du travail.
Dans l’état d’indivision, lorsque le commerce est nul, que chacun produit tout pour soi seul, le travail est à son minimum de fécondité. La richesse croît comme le nombre des individus. Alors la terre ne peut entretenir qu’un petit nombre d’habitants ; elle semble se rétrécir devant le barbare ; la population tend incessamment à devancer la production selon le rapport indiqué par Malthus ; et bientôt, pressant de tous côtés ces limites, elle se consume et meurt.
Avec la division du travail, les machines, le commerce, le crédit, et tout l’appareil économique, la terre offre à l’homme des ressources infinies. Elle s’étend alors devant celui qui l’exploite ; le bien-être prend le devant sur la population. La richesse croît comme le carré du nombre des travailleurs.
Mais à côté de ce double mouvement de la population et de la production, il s’en manifeste un autre, méconnu jus-