Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/373

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mouvements, l’harmonie des tons, la splendeur du coloris, la convenance des formes. Toutes ces qualités de l’art sont encore les attributs de l’amour, en qui elles prennent les noms mystiques de chasteté, pudeur, modestie, etc. La chasteté est l’idéal de l’amour : cette proposition n’a plus besoin désormais que d’être énoncée pour être aussitôt admise.

A mesure que le travail augmente, l’art surgissant toujours du métier, le travail perd ce qu’il avait de répugnant et de pénible : de même l’amour, à mesure qu’il se fortifie, perd ses formes impudiques et obscènes. Tandis que le sauvage jouit en bête, se délecte dans l’ignorance et le sommeil, le civilisé cherche de plus en plus l’action, la richesse, la beauté : il est à la fois industrieux, artiste et chaste. Paresse et luxure sont vices conjoints, sinon vices tout à fait identiques.

Mais l’art, né du travail, repose nécessairement sur une utilité, et correspond à un besoin ; considéré en lui-même, l’art n’est que la manière, plus ou moins exquise, de satisfaire ce besoin. Ce qui fait la moralité de l’art, ce qui conserve au travail son attrait, qui en éveille l’émulation, en excite la fougue, en assure la gloire, c’est donc la valeur. De même ce qui fait la moralité de l’amour et qui en consomme la volupté, ce sont les enfants. La paternité est le soutien de l’amour, sa sanction, sa fin. Elle obtenue, l’amour a rempli sa carrière : il s’évanouit, ou pour mieux dire il se métamorphose…

Tout travailleur doit devenir artiste dans la spécialité qu’il a choisie, et selon la mesure de cette spécialité. Pareillement tout être né de la femme, nourri, élevé sur les genoux de la femme, fils, amant, époux et père, doit réaliser en lui l’idéal de l’amour, en exprimer successivement toutes les formes.

De l’idéalisation du travail et de la sainteté de l’amour résulte ce que le consentement universel a nommé vertu, ou comme qui dirait la force (valeur) propre de l’homme, par opposition à la passion, force de l’être fatal, de l’être divin.

Le langage consacre ce rapport : vertu, lat. vir-tus, de vir, l’homme ; gr., arétê, ou andréïa, de arês ou anêr, l’homme. Les antonymes sont, lat. fortitudo, de fero, porter, fortis, porteur, robur, chêne et force ; gr., rômê, force impétueuse, vigueur naturelle. L’hébreu dit geborrah, de gebar, l’homme ; et par contre éïal, force vitale ; éïl, mâle des animaux ruminants, d’où élohim, dieu.

La vertu de l’homme, par opposition à la force divine,