Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/374

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est donc son affranchissement de la nature par l’idéal : c’est la liberté, c’est l’amour, dans toutes les sphères de l’activité et de la connaissance. Le contraire de la vertu est le laid, l’impur, le discord, l’inconvenant, la lâcheté, |a contrainte.

C’est par la vertu (sous ce mot désormais nous avons une idée) que l’homme, se dégageant de la fatalité, arrive graduellement à la pleine possession de lui-même ; et comme dans le travail l’attrait succède naturellement à la répugnance, de même dans l’amonr, la chasteté remplace spontanément la lasciveté. Dès ce moment l’homme sanctifié dans toutes ses puissances, dompté par le travail, ennobli par l’art, spiritualisé par l’amour, commande à tout ce qui dans son être est le produit de la nature comme à tout ce qui vient de la raison et du libre arbitre. L’homme l’emporte de plus en plus sur le dieu ; la raison règne au fort de la passion, et à la suite de la raison se manifeste l’équilibre, c’est-à-dire la sérénité, la joie.

L’homme n’est plus alors cet esclave déshonoré, qui regarde la femme et qui pleure de rage : c’est un ange en qui la chasteté, le dédain de la matière, se développe en même temps que la virilité. Comme le travail servile ne produit chez l’homme qu’une impuissance désolée et maudite, ainsi le travail libre, rendu attrayant par la science, l’art et la justice, engendre la chasteté attrayante, l’amour ; et bientôt, à l’aide de cet idéal, l’esprit gagnant toujours sur la chair, la perfection de l’amour produit la répugnance du sexe…

L’amour, quant à l’œuvre génératrice, a donc sa limite propre ; la volupté conjugale a sa période dans la vie humaine, comme la fécondité et l’allaitement. Et dans cette nouvelle évolution de même que dans toutes les autres, l’homme, ministre de la nature et chantre des destinées, ne fait pas la loi, il la découvre et l’exécute.

Je divise donc, avec le sentiment universel, la vie de l’homme en cinq périodes principales : enfance, adolescence, jeunesse, virilité ou période de génération, et maturité ou vieillesse.

L’homme, pendant la première période, aime la femme comme mère ; dans la seconde, comme sœur ; dans la troisième, comme maîtresse ; dans la quatrième, comme épouse ; dans la cinquième et dernière, comme fille.

Ces périodes de l’amour correspondent à des périodes pareilles de la vie économique : dans l’enfance l’homme n’existe, pour ainsi dire, qu’à l’état de bouture, ou comme