Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/80

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fois et contre les dangers d’une prohibition absolue, et contre le mensonge d’une liberté sans limites.

Quelques mots encore sur le caractère métaphysique de la balance du commerce, et je termine.

Pour que le principe de la balance du commerce remplît les conditions d’évidence que nous avons déterminées en traitant de la valeur, il devait concilier à la fois la liberté du commerce et la protection du travail. Or, c’est ce qui arrive par l’établissement du droit différenciel. D’une part, en effet, ce droit, dont l’origine historique est aussi peu honorable que celle de l’impôt, et qu’on est tenté de regarder comme un péage abusif, ne fait que reconnaître et déterminer la liberté, en lui imposant pour condition l’égalité. D’autre part, la perception de ce droit, que je suppose toujours exactement déterminé, protège suffisamment le travail, puisqu’en lui suscitant une concurrence à forces égales, il ne fait qu’exiger de lui ce qu’il peut rendre, et rien que ce qu’il peut rendre.

Mais cette conciliation, cette balance, acquiert encore des propriétés toutes nouvelles, et conduit, par sa nature synthétique, à des effets que ne pouvaient produire ni la liberté entière, ni la prohibition absolue. En d’autres termes, elle donne plus que les avantages réunis de l’une et de l’autre, en même temps qu’elle écarte leurs inconvénients. La liberté sans équilibre amenait bien le bon marché, mais rendait infécondes toutes les exploitations qui ne donnaient que de médiocres bénéfices, ce qui était toujours un appauvrissement : la protection poussée jusqu’à l’exclusion absolue garantissait l’indépendance, mais en entretenant la cherté, puisque c’est cherté que de n’obtenir, avec une même somme de travail, qu’une seule variété de produits. Par la mutualité commerciale, une solidarité effective, in re, indépendante du caprice des hommes, est créée ; les peuples travailleurs, sous quelque zône qu’ils habitent, jouissent tous également des biens de la nature ; la force de chacun semble doublée, et son bien-être en même temps. L’association des instruments du travail donnant le moyen, par la répartition des frais entre tous, de rendre productives les terres inaccessibles au monopole, une quantité plus forte de produits est acquise à la société. Enfin la balance commerciale, tenue droite entre les peuples, ne peut jamais dégénérer, comme la protection et le laissez-passer, en servitude et privilège ; et c’est ce qui achève d’en démontrer la vérité et la salutaire influence.

La balance du commerce remplit donc toutes les condi-