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Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/393

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tendu droit divin ; une exploitation intentionnelle des classes inférieures, une domination sans responsabilité, produisant des misères sans compensation, dénuée par conséquent de toute grandeur, de toute influence morale, de toute mission providentielle, de tout ce qui explique et justifie, aux yeux de l’historien philosophe, ces stages de laborieuse éclosion. Par une étrange inconséquence, l’auteur affirme que l’exploitation de l’homme s’est perpétuée depuis et malgré la révolution, et qu’elle se pratique maintenant plus que jamais, ce qui aurait dû l’amener à reconnaître que les abus dont il se plaint n’étaient pas les effets de l’ancien régime. »

Si je me montre plus sensible à ce reproche que je ne l’ai été au précédent, c’est qu’il me prête une manière de concevoir l’histoire et des sentiments que mon ouvrage dément d’un bout à l’autre. Il est possible que j’incline à me méfier des nécessités gouvernementales, et que je montre quelque promptitude à accuser les missionnaires de la Providence. M. Cherbuliez est de l’école genevoise ; comme la plupart de ses savants compatriotes, il a une prédisposition à défendre et à justifier les actes du pouvoir, à exagérer les nécessités gouvernementales. Ne pourrais-je pas à mon tour l’accuser de sacrifier le sens pratique au sens historique ; de s’attacher trop fortement aux conditions générales qui, après avoir motivé la formation des États, servent ensuite de prétextes à l’absolutisme des gouvernements ; de faire ainsi trop bon marché de l’écrasement des masses et des douleurs populaires ? Ma critique vaudrait la sienne, et, les reproches compensés, resterait à trouver entre nous la pure vérité. Sortons donc des appréciations personnelles, et tâchons de voir les faits tels qu’ils sont, en philosophes humains.

Il n’entre pas sans doute dans la pensée de M. Cherbuliez de justifier l’esclavage, et je n’en veux pas plus que lui.