Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/70

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l’emploi du temps, alléguant, comme toujours, le péril des circonstances et la raison de salut public, jugeât à propos de transformer, pendant un an, la France entière en un champ de manœuvres, de suspendre la culture des terres, le travail des fabriques et manufactures, et, dans l’intervalle des exercices, de festoyer son peuple de soldats. À cette fin, il requerrait, à titre d’impôt tant ordinaire qu’extraordinaire, les quatre milliards de numéraire qui circulent en France, plus une valeur égale en produits de toute espèce ; puis il emprunterait, sur le capital national, une pareille somme à l’étranger, moyennant quoi il pourrait subvenir aux besoins de ses armées, de ses gardes nationaux mobiles et sédentaires, de leurs enfants et de leurs femmes, pendant cette mémorable année sabbatique.

Il est évident que les douze milliards ainsi dépensés n’auraient pas été perdus, en ce sens que le numéraire n’aurait pas été matériellement anéanti, ni les marchandises et les substances alimentaires jetées au fumier. Loin de là, l’argent aurait circulé comme jamais : les marchands de vins et de comestibles auraient fait de brillantes affaires ; la masse n’aurait pas jeûné, peut-être même, grâce à ce régime de rationnement militaire, le paupérisme eût-il paru moins intense, et le nombre des crimes et délits qu’occasionnent la cupidité, la spéculation agioteuse, la misère et la paresse, aurait été presque nul. Seulement il y aurait eu manque à gagner, pour la nation, d’une douzaine de milliards, montant de la consommation