Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/152

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et dans toute son immobilité. Ainsi le comprenait Louis XIV, qui non-seulement était d’une parfaite bonne foi, mais logique et juste à son point de vue, lorsqu’il prétendait que tout en France, personnes et choses, relevassent de lui. Louis XIV niait la propriété absolue ; il n’admettait de souveraineté que dans l’État représenté par le roi. Pour qu’une force puisse tenir en respect une autre force, il faut qu’elles soient indépendantes l’une de l’autre, qu’elles fassent deux, non pas un. Pour que le citoyen soit quelque chose dans l’État, il ne suffit donc pas qu’il soit libre de sa personne ; il faut que sa personnalité s’appuie, comme celle de l’État, sur une portion de matière qu’il possède en toute souveraineté, comme l’État a la souveraineté du domaine public. Cette condition est remplie par la propriété.

Servir de contre-poids à la puissance publique, balancer l’État, par ce moyen assurer la liberté individuelle : telle sera donc, dans le système politique, la fonction, principale de la propriété. Supprimez cette fonction ou, ce qui revient au même, ôtez à la propriété le caractère absolutiste que nous lui avons reconnu et qui la distingue ; imposez-lui des conditions, déclarez-la incessible et indivisible : à l’instant elle perd sa force, elle ne pèse plus rien ; elle redevient un simple bénéfice, un précaire ; c’est. une mouvance du gouvernement, sans action contre lui.

Le droit absolu de l’État se trouve donc en lutte avec le droit absolu du propriétaire. il faut suivre de près la marche de ce combat.