Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au milieu desquels l’homme s’épanouit, la volée littéraire à laquelle il appartient. Viennent alors l’étude de l’individu ainsi formé, la recherche des indices qui mettent à nu son vrai fond, les oppositions et les rapprochements qui dégagent sa passion dominante et son tour d’esprit spécial, bref l’analyse de l’homme lui-même, poursuivie dans toutes ses conséquences, à travers et en dépit de ces déguisements, que l’attitude littéraire ou le préjugé public ne manquent jamais d’interposer entre nos yeux et le visage vrai.  »

Seulement, il ajoutait  : «  Cette sorte d’analyse botanique pratiquée sur les individus humains est le seul moyen de rapprocher les sciences morales des sciences positives, et il n’y a qu’à l’appliquer aux peuples, aux époques, aux races, pour lui faire porter ses fruits.  »

Taine disait cela, parce que sa conception intellectualiste de la réalité ne laissait de vérité que dans la science. Comme il avait cependant du goût et admirait diverses manifestations de l’esprit, pour expliquer leur valeur il les considérait comme des auxiliaires de la science (voir Préface de L’Intelligence). Il considérait Sainte-Beuve comme un initiateur, comme remarquable «  pour son temps  », comme ayant presque trouvé sa méthode à lui, Taine.

Mais les philosophes, qui n’ont pas su trouver ce qu’il y a de réel et d’indépendant de toute science dans l’art, sont obligés de s’imaginer l’art,