Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/107

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beaucoup connu l’auteur. Parlant de la grande admiration, qu’inspire à plusieurs écrivains de la nouvelle génération l’œuvre de Stendhal, Sainte-Beuve disait  : «  Qu’ils me permettent de leur dire, pour juger au net de cet esprit assez compliqué, et sans rien exagérer dans aucun sens, j’en reviendrai toujours de préférence, indépendamment de mes propres impressions et souvenirs, à ce que m’en diront ceux qui l’ont connu en ses bonnes années et à ses origines, à ce qu’en diront M. Mérimée, M. Ampère, à ce que m’en dirait Jacquemont s’il vivait, ceux, en un mot, qui l’ont beaucoup vu et goûté sous sa forme première.  »

Pourquoi cela  ? En quoi le fait d’avoir été l’ami de Stendhal permet-il de le mieux juger  ? Le moi qui produit les œuvres est offusqué pour ces camarades par l’autre, qui peut être très inférieur au moi extérieur de beaucoup de gens. Du reste, la meilleure preuve en est que Sainte-Beuve, ayant connu Stendhal, ayant recueilli auprès de M. Mérimée et de M. Ampère tous les renseignements qu’il pouvait, s’étant muni, en un mot, de tout ce qui permet, selon lui, au critique de juger plus exactement d’un livre, a jugé Stendhal de la façon suivante  : «  Je viens de relire, ou d’essayer, les romans de Stendhal  ; ils sont franchement détestables.  » Il y revient ailleurs, où il reconnaît que Le Rouge et le Noir «  intitulé ainsi on ne sait trop pourquoi et par un emblème qu’il faut deviner, a du moins de l’action. Le premier volume a de