Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/114

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sa présence respectée à leurs meilleures et à leurs plus graves œuvres.  » Et pour ne pas avoir vu l’abîme qui sépare l’écrivain de l’homme du monde, pour n’avoir pas compris que le moi de l’écrivain ne se montre que dans ses livres, et qu’il ne montre aux hommes du monde (ou même à ces hommes du monde que sont dans le monde les autres écrivains, qui ne redeviennent écrivains que seuls) qu’un homme du monde comme eux, il inaugurera cette fameuse méthode, qui, selon Taine, Bourget, tant d’autres, est sa gloire et qui consiste à interroger avidement pour comprendre un poète, un écrivain, ceux qui l’ont connu, qui le fréquentaient, qui pourront nous dire comment il se comportait sur l’article femmes, etc., c’est-à-dire précisément sur tous les points où le moi véritable du poète n’est pas en jeu.

Ses livres, Chateaubriand et son groupe littéraire plus que tous, ont l’air de salons en enfilade où l’auteur a invité divers interlocuteurs, qu’on interroge sur les personnes qu’ils ont connues, qui apportent leurs témoignages destinés à en contredire d’autres et, par là, à montrer que dans l’homme qu’on a l’habitude de louer, il y a aussi fort à dire, ou pour classer par là celui qui contredira dans une autre famille d’esprit.

Et ce n’est pas entre deux visites, c’est au sein