Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/123

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il tremblait de dire quelque chose d’hostile sur Chateaubriand, par exemple, dès que Mme Récamier et Chateaubriand furent morts, il se rattrapa  ; je ne sais pas si c’est ce qu’il appela dans ses notes et pensées  : «  Après avoir été avocat, j’ai bien envie de devenir juge.  » Toujours est-il qu’il détruisit, mot par mot, ses opinions précédentes. Ayant eu à rendre compte des Mémoires d’Outre-Tombe après une lecture qui avait eu lieu chez Mme Récamier, arrivé à l’endroit où Chateaubriand dit  : «  Mais n’est-ce pas là d’étranges détails, des prétentions malsonnantes dans un temps où l’on ne veut que personne soit le fils de son père  ? Voilà bien des vanités à une époque de progrès, de révolution  », il protestait, trouvait que ce scrupule faisait voir trop de délicatesse  : «  Non pas  ; dans M. de Chateaubriand le chevaleresque est d’une qualité inaliénable  ; le gentilhomme en lui n’a jamais failli, mais n’a jamais été obstacle à mieux.  » Quand, après la mort de Chateaubriand et de Mme Récamier, il rendit compte des Mémoires d’Outre-Tombe, arrivé à ce même passage  : «  À la vue de mes parchemins il ne tiendrait qu’à moi, si j’héritais de l’infatuation de mon père et de mon frère, de me croire cadet des ducs de Bretagne  », il interrompt l’auguste narrateur. Mais cette fois, ce n’est plus pour lui dire  : «  Mais c’est trop naturel. – Comment  ! lui dit-il. Mais en ce moment que faites-vous donc, sinon de cumuler un reste de cette infatuation, comme vous dites, avec la