Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/124

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prétention d’en être guéri  ? C’est là une prétention double, et au moins l’infatuation dont vous taxez votre père et votre frère était plus simple.  » Même sur le compte d’un des hommes, dont il a dit le plus de bien avec le plus d’éclat, le plus de goût, le plus de continuité, le chancelier Pasquier, il me semble que s’il n’a pas contredit ces éloges enthousiastes, c’est sans doute parce que la vieillesse indéfiniment prolongée de Mme de Boigne l’en a empêché. «  Mme de Boigne, lui écrit le Chancelier, se plaint de ne plus vous voir (comme George Sand lui écrivait  : «  Musset a souvent envie d’aller vous voir et de vous tourmenter pour que vous veniez chez nous, mais je l’en empêche, quoique je fusse toute prête à y aller avec lui, si je ne craignais que ce fût inutile.")  ; voulez-vous venir me prendre au Luxembourg  ? Nous causerons, etc.  » À la mort du Chancelier, Mme de Boigne vit encore. Trois articles sur le Chancelier, assez élogieux pour plaire à cette amie désolée. Mais à la mort de Pasquier nous lisons dans les Portraits  : «  Cousin dit…  » et il dit à Goncourt au dîner Magny  : «  Je ne vous en parlerai pas précisément comme littérature. Dans la société de Chateaubriand il était à peine toléré  », qui ne peut pas s’empêcher de dire  : «  C’est affreux d’être pleuré par Sainte-Beuve.  »

Mais généralement sa susceptibilité, son humeur changeante, son prompt dégoût de ce dont il s’était d’abord engoué, faisaient que, du vivant