Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/171

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que tu pourrais croire de Racine, comme  :

Ô charme du néant follement attifé


que tu pourrais croire de Mallarmé, comme tant d’autres que tu pourrais croire de Sainte-Beuve, de Gérard de Nerval, qui a tant de rapports avec lui, qui était plus tendre, qui lui aussi a des démêlés de famille (ô Stendhal, Baudelaire, Gérard !) mais où il est si tendre, qui est un névrosé comme lui, et qui comme lui a fait les plus beaux vers, qu’on devrait reprendre ensuite, et comme lui paresseux avec des certitudes d’exécution dans le détail, et de l’incertitude dans le plan. C’est si curieux, ces poèmes de Baudelaire avec ces grands vers que son génie emporté dans le tournant de l’hémistiche précédent s’apprête, à pleins essieux, à remplir dans toute leur gigantesque carrière, et qui donnent ainsi la plus grande idée de la richesse, de l’éloquence, de l’illimité d’un génie  :

Et dont les yeux auraient fait pleuvoir les aumônes (tournant)
Sans la méchanceté qui brillait dans leurs yeux
… Ce petit fleuve,
Triste et pauvre miroir où jadis resplendit (tournant)
 
L’immense majesté de vos douleurs de veuve…