Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/194

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cuper de l’harmonie du tout et de ne pas intervenir. Si, dans sa correspondance, il dira  : «  Les bons mariages sont comme la crème  : un rien les fait manquer  », c’est par des images de ce genre, c’est-à-dire frappantes, justes, mais qui détonnent, qui expliquent au lieu de suggérer, qui ne se subordonnent à aucun but de beauté et d’harmonie, qu’il emploiera «  Le rire de M. de Bargeton, qui était comme des boulets endormis qui se réveillent, etc.  » «  Son teint avait pris le ton chaud d’une porcelaine dans laquelle est enfermée une lumière.  » «  Enfin, pour peindre cet homme par un trait dont la valeur sera appréciée par les gens habitués à traiter les affaires, il portait des verres bleus destinés à cacher son regard sous prétexte de préserver sa vue de l’éclatante réverbération de la lumière.  »

Et de fait, il a de la beauté de l’image une idée si dérisoire que Mme de Mortsauf écrira à Félix de Vandenesse  : «  Pour employer une image qui se grave dans votre esprit poétique, que le chiffre soit d’une grandeur démesurée, tracé en or, écrit au crayon, ce ne sera jamais qu’un chiffre.  »

S’il se contente de trouver le trait qui pourra nous faire comprendre comment est la personne, sans chercher à le fondre dans un ensemble beau, de même il donne des exemples précis au lieu d’en dégager ce qu’ils peuvent contenir. Il décrit ainsi