Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/201

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que Balzac lui-même dont il est le truchement, excessivement bon public. De Marsay ayant fait cette réflexion  : «  L’amour unique et vrai produit une sorte d’apathie corporelle en harmonie avec la contemplation dans laquelle on tombe. L’esprit complique tout, alors il se travaille lui-même, se dessine des fantaisies, en fait des réalités, des tourments, et cette jalousie est aussi charmante que gênante  », un ministre étranger sourit en se rappelant, à la clarté d’un souvenir, la vérité de cette observation. Un peu plus loin, il termine le portrait d’une de ses maîtresses par une comparaison qui n’est pas très jolie, mais qui doit plaire à Balzac, car nous en retrouvons une analogue dans Les Secrets de la Princesse de Cadignan  : «  Il y a toujours un fameux singe dans la plus jolie et la plus angélique des femmes.  » À ces mots, dit Balzac, toutes les femmes baissèrent les yeux, comme blessées par cette cruelle vérité si cruellement observée.

«  Je ne vous dis rien de la nuit ni de la semaine que j’ai passées, reprit de Marsay  ; je me suis reconnu homme d’État.

– Ce mot fut si bien dit que nous laissâmes tous échapper un geste d’admiration.  » De Marsay explique ensuite que sa maîtresse faisait semblant de l’aimer uniquement  : «  Elle ne pouvait pas vivre sans moi, etc., enfin elle faisait de moi son Dieu.  » Les femmes qui entendirent de Marsay parurent offensées en se voyant si bien jouées. «   La femme comme il faut peut donner lieu à la calomnie, dit plus loin de