Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/200

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les personnages de Balzac sont rangés là autour du narrateur comme dans les «  à-propos  », ces «  cérémonies  » que la Comédie-Française donne à l’occasion d’un anniversaire, d’un centenaire. Chacun y va de sa réplique comme aussi dans les dialogues des morts, où on veut faire figurer toute une époque. À tout instant un autre paraît. De Marsay commence son récit en expliquant que l’homme d’État est une espèce de monstre de sang-froid. «  Vous nous expliquez là pourquoi l’homme d’Etat est si rare en France, dit le vieux Lord Dudley.  » Marsay poursuit  : ce monstre, il l’est devenu grâce à une femme. «  Je croyais que nous défaisions beaucoup plus de politique que nous n’en faisions, dit Mme de Montcornet en souriant.  » «  S’il s’agit d’une aventure d’amour, dit la baronne de Nucingen, je demande qu’on ne la coupe par aucune réflexion.  » «  La réflexion y est si contraire, s’écria Joseph Bridau…  » «  Il n’a pas voulu souper, dit Mme de Sérizy.  » «  Oh  ! faites-nous grâce de vos horribles sentences, dit Mme de Camps en souriant.  » Et à tour de rôle la princesse de Cadignan, Lady Barimore, la marquise d’Espard, Mlle des Touches, Mme de Vandenesse, Blondet, Daniel d’Arthez, le marquis de Montriveau, le comte Adam Laginski, etc., viennent successivement dire leur mot, comme les sociétaires, défilant à l’anniversaire de Molière devant le buste du poète, y déposent une palme. Or, ce public un peu artificiellement rassemblé, est pour Balzac, et tout autant