Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/214

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Lanty fondée sur l’amour du cardinal pour un castrat, le petit vieillard à qui chacun rend des devoirs, là est frappante. Il a de ces fines vérités cueillies dans la superficie de la vie mondaine et toutes à un degré de généralité assez grand, pour qu’après très longtemps on puisse se dire  : comme c’est vrai  ! (Dans Une Fille d’Ève, les deux sœurs, Mme de Vandenesse et Mme du Tillet, si différemment mariées et qui pourtant s’adorent, et, par suite des révolutions, le beau-frère sans naissance, du Tillet, devenant pair quand Félix de Vandenesse ne l’est plus – et les deux belles-sœurs, la comtesse et la marquise de Vendenesse, ayant des désagréments à cause de la similitude des noms.) Il en est de plus profondes comme Paquita Valdès aimant précisément l’homme qui ressemble à la femme avec qui elle vit, comme Vautrin entretenant la femme qui peut voir tous les jours son Sallenauve, son fils  ; comme Sallenauve épousant la fille de Mme de l’Estorade. Là, sous l’action apparente et extérieure du drame, circulent des mystérieuses lois de la chair et du sentiment.

La seule chose qui effraye un peu dans cette interprétation de son œuvre, c’est que c’est justement ces choses-là dont il n’a jamais parlé dans sa correspondance, où il dit des moindres livres que c’est sublime, où il parle avec le plus grand dédain de La Fille aux Yeux d’or, et pas un mot sur la fin