Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/235

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sur son tricot  : «  J’ai entendu dire même des vilaines choses là-dessus. C’est sérieusement que vous dites qu’il aurait dû être à l’Académie  ? (comme on dit au Jockey). D’abord il n’avait pas un bagage  » pour cela. Et puis l’Académie est une sélection  ». Sainte-Beuve, lui, voilà un homme charmant, fin, de bonne compagnie  ; il se tenait parfaitement à sa place et on ne le voyait que quand on voulait. C’était autre chose que Balzac. Et puis il était allé à Champlâtreux  ; lui, au moins, il aurait pu raconter des choses du monde. Et il s’en gardait bien parce que c’était un homme de bonne compagnie. Du reste, ce Balzac, c’était un mauvais homme. Il n’y a pas un bon sentiment dans ce qu’il écrit, il n’y a pas de bonnes natures. C’est toujours désagréable à lire, il ne voit jamais que le mauvais côté de tout. Toujours le mal. Même s’il peint un pauvre curé, il faut qu’il soit malheureux, que tout le monde soit contre lui. – Ma tante, vous ne pouvez pas nier, disait le comte devant la galerie enthousiasmée d’assister à une joute si intéressante et qui se poussait du coude pour se montrer la marquise «  s’emballant  », que le curé de Tours auquel vous faites allusion ne soit bien peint. Cette vie de province, est-ce assez cela  ! – Mais justement, disait la marquise dont c’était un des raisonnements favoris et le jugement universel qu’elle appliquait à toutes les productions littéraires, en quoi cela peut-il m’intéresser de voir reproduites des choses que je connais aussi