Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/248

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le fauteuil, quand elle se fut assise et vit qu’il n’y avait pas de vieux monsieur. Dès ce jour je fus à tout jamais guéri de ma timidité. J’ai peut-être reçu depuis bien des invitations plus inattendues ou plus flatteuses que celles de M. et Mme de Guermantes. Mais les tapisseries de Combray, la lanterne magique, les promenades du côté de Guermantes ne leur donnaient pas leur prestige. J’ai toujours compté sur le sourire de bienvenue et n’ai jamais compté avec la mauvaise farce. Et elle se fût produite que cela m’aurait été tout à fait égal.

M. de Guermantes recevait très bien, trop bien, car dans ces soirées où il recevait le ban et l’arrière-ban de la noblesse, et où venaient des nobles de second ordre, de province, pour qui il était un très grand seigneur, il se croyait obligé à force de rondeur et de familiarité, de main sur l’épaule, et du ton bon garçon de «  Ce n’est pas amusant chez moi  » ou de «  Je suis très honoré que vous soyez venu  », de dissiper chez tous la gêne, la terreur respectueuse qui n’existait pas au degré qu’il le supposait.

À quelques pas de lui causait avec une dame le marquis de Quercy. Il ne regardait pas de mon côté, mais je sentis que ses yeux de marchand en plein vent m’avaient parfaitement aperçu. Il causait avec une dame que j’avais vue chez les Guermantes, je le saluai d’abord, ce qui interrompit forcément M. de Quercy, mais malgré cela, déplacé