Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/247

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cesse, en robe mauve «  Princesse  », un magnifique diadème de perles et de saphirs dans les cheveux, causait sur une causeuse avec des personnes, et tendait la main sans se lever aux entrants. Quant au Prince, je ne vis pas où il était. Elle ne m’avait pas encore vu. Je me dirigeais vers elle, mais en la regardant avec la même fixité que la vieille dame regardait le vieux monsieur sur lequel elle allait s’asseoir, car je suppose qu’elle devait faire attention pour, dès qu’elle sentirait sous son corps la résistance des genoux du monsieur, ne pas insister sur l’acte de s’asseoir. Ainsi j’épiais sur le visage de la princesse de Guermantes, dès qu’elle m’aurait aperçu, la première trace de la stupeur et de l’indignation pour abréger le scandale et filer au plus vite. Elle m’aperçoit, elle se lève, alors qu’elle ne se levait pour aucun invité, elle vient vers moi. Mon cœur tremble, mais se rassure en voyant ses yeux bleus briller du plus charmant sourire et son long gant de Suède en courbe gracieuse se tendre vers moi  : «  Comme c’est aimable d’être venu, je suis ravie de vous voir. Quel malheur que nos cousins soient justement en voyage, mais c’est d’autant plus gentil à vous d’être venu comme cela, nous savons que c’est pour nous seuls. Tenez, vous trouverez M. de Guermantes dans ce petit salon, il sera charmé de vous voir.  » Je m’inclinai avec un profond salut et la Princesse n’entendit pas mon soupir de soulagement. Mais ce fut celui de la vieille dame devant