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XVI

CONCLUSION


Dès que je lisais un auteur, je distinguais bien vite sous les paroles l’air de la chanson, qui en chaque auteur est différent de ce qu’il est chez tous les autres, et tout en lisant, sans m’en rendre compte, je le chantonnais, je pressais les notes ou les ralentissais ou les interrompais, pour marquer la mesure des notes et leur retour, comme on fait quand on chante, et on attend souvent longtemps, selon la mesure de l’air, avant de dire la fin d’un mot.

Je savais bien que si, n’ayant jamais pu travailler, je ne savais écrire, j’avais cette oreille-là plus fine et plus juste que bien d’autres, ce qui m’a permis de faire des pastiches, car chez un écrivain, quand on tient l’air, les paroles viennent bien vite. Mais ce don, je ne l’ai pas employé, et de temps en temps, à des périodes différentes de ma vie, celui-là, comme celui aussi de découvrir un lien profond