Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/315

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le sien qui est cet art-là, car il n’y a qu’une manière d’écrire pour tous, c’est d’écrire sans penser à personne, pour ce qu’on a en soi d’essentiel et de profond. Tandis que lui écrit en pensant à quelques-uns, à ces artistes dits maniérés, et non pas essayant de voir par où ils pèchent, approfondissant jusqu’à trouver l’éternel l’impression qu’ils lui produisent, éternel que cette impression contient aussi bien que le contient un souffle d’aubépine ou n’importe quelle chose qu’on sait pénétrer  ; mais ici comme partout, en ignorant ce qui se passe au fond de lui, en se contentant des formules rebattues et de sa mauvaise humeur, sans chercher à voir au fond  : « Air renfermé de chapelle, allez donc au-dehors. Que me fait votre pensée, hé bien  ! qu’est-ce que ça peut faire qu’on soit clérical. Vous me dégoûtez, ces femmes-là devraient être fessées. Il n’y a donc pas de soleil en France. Vous ne pouvez donc pas faire une musique légère. Il faut que vous salissiez tout, etc.  » Il est d’ailleurs en quelque sorte obligé à cette superficialité et ce mensonge, puisqu’il choisit pour héros un génie mauvais coucheur dont les boutades terriblement banales sont exaspérantes, mais pourraient se rencontrer chez un homme de génie. Malheureusement quand Jean Christophe, car c’est de lui que je parle, cesse de parler, M. Romain Rolland continue à entasser banalités sur banalités, et quand il cherche une image plus précise, c’est une œuvre de recherche et non de trou-