délectation comme il n’en connut jamais de plus vive, dans lesquelles la Nature, en lui donnant ce sens esthétique, l’avait prédestiné à aller chercher, comme dans son expression la plus touchante, ce qui peut être recueilli sur la terre du Vrai et du Divin.
Sans doute si, comme on l’a dit, à l’extrême vieillesse, la pensée déserta la tête de Ruskin, comme cet oiseau mystérieux qui dans une toile célèbre de Gustave Moreau n’attend pas l’arrivée de la mort pour fuir la maison, — parmi les formes familières qui traversèrent encore la confuse rêverie du vieillard sans que la réflexion pût s’y appliquer au passage, tenez pour probable qu’il y eut la Vierge Dorée. Redevenue maternelle, comme le sculpteur d’Amiens l’a représentée, tenant dans ses bras la divine enfance, elle dut être comme la nourrice que laisse seule rester à son chevet celui qu’elle a longtemps bercé. Et, comme dans le contact des meubles familiers, dans la dégustation des mets habituels, les vieillards éprouvent, sans presque les connaître, leurs dernières joies, discernables du moins à la peine souvent funeste qu’on leur causerait en les en privant, croyez que Ruskin ressentait un plaisir obscur à voir un moulage de la Vierge Dorée, descendue, par l’entraînement invincible du temps, des hauteurs de sa pensée et des prédilections de son goût, dans la profondeur de sa vie inconsciente et dans les satisfactions de l’habitude. Telle qu’elle est avec son sourire si particulier, qui fait non seulement de la Vierge une personne, mais de la statue une œuvre d’art individuelle, elle semble rejeter ce portail hors duquel elle se penche, à n’être que le musée où nous devons nous rendre quand nous voulons la voir, comme les étrangers