Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/218

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quelque amélioration, et que dans quelques mois nous puissions nous voir.

« Veuillez agréer, je vous prie, mes sentiment les plus sympathiques.

« H. van Blarenberghe. »

Cinq ou six jours après avoir reçu cette lettre, je me rappelai, en m’éveillant, que je voulais y répondre. Il faisait un de ces grands froids inattendus, qui sont comme les « grandes marées » du ciel, recouvrent toutes les digues que les grandes villes dressent entre nous et la nature et, venant battre nos fenêtres closes, pénètrent jusque dans nos chambres, en faisant sentir à nos frileuses épaules, par un vivifiant contact, le retour offensif des forces élémentaires. Jours troublés de brusques changements barométriques, de secousses plus graves. Nulle joie d’ailleurs dans tant de force. On pleurait d’avance la neige qui allait tomber et les choses elles-mêmes, comme dans le beau vers d’André Rivoire, avaient l’air d’« attendre de la neige ». Qu’une dépression « s’avance vers les Baléares », comme disent les journaux, que seulement la Jamaïque commence à trembler, au même instant à Paris les migraineux, les rhumatisants, les asthmatiques, les fous sans doute aussi, prennent leurs crises, tant les nerveux sont unis aux points les plus éloignés de l’univers par les liens d’une solidarité qu’ils souhaiteraient souvent moins étroite. Si l’influence des astres, sur certains au moins d’entre eux, doit être un jour reconnue (Framery, Pelletean, cités par M. Brissaud) à qui mieux appliquer qu’à tel nerveux, le vers du poète :

Et de longs fils soyeux l’unissent aux étoiles.