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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/106

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cuisiniers surveillent l’immense appareil qui siffle doucement…

Maurice Vincent se frotte les yeux… Pauvre enfant ! Il n’a pas encore compris les beautés de la règle ! Ce qu’il avait vu en s’engageant, c’étaient des combats, des coups de sabre, des chevauchées dans les terres lointaines, et il n’avait pas pensé à ce dur « quotidien » du quartier, les corvées, la voix dure des brigadiers, le « bricolage » des chevaux dans la bise mauvaise, la corvée de fourrage, l’abreuvoir, le pansage. Ce qu’il avait vu surtout, c’était cette vieille gravure du Supplément du Petit Journal où un capitaine (il imaginait que c’était Nangès) était représenté, attrapant à la vitesse de son cheval un indigène à burnous rouge, le sabre levé, tandis qu’un spahi agonisant à terre portait la main à son cœur. Image grossière, sans vérité ni vraisemblance, et qui pourtant avait presque déterminé sa vocation !

Maintenant, il lui fallait s’accoutumer à ce froid du quartier, acquérir cette insouciance paisible des anciens, écouter « sans observations ni murmures », comme dit le règlement, les remontrances des sous-offs, essuyer les punitions… D’ailleurs, le métier ne s’annonçait