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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/139

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clignant de l’œil et en roulant leurs cigarettes. Mais il y avait tout ensemble de la malice et de l’indulgence dans leurs voix. D’autres conseillaient à Maurice une sage prudence :

— En douce, mon vieux, disaient-ils, en douce ! Pas d’histoires ! Toujours en douce ! Tu vois, dans le métier, mieux vaut se tenir peinard.

Le maréchal-ferrant, en bourgeron bleu, assis à cheval sur son lit, haussa les épaules et dit en souriant :

— Bah ! on n’est pas soldat tant qu’on n’a pas tâté de la grosse !

C’était là toute la morale qu’il voulait tirer de l’affaire. Maurice, lui, ne prenait pas son infortune au tragique. Il avait le sentiment de la justice et de la fatalité.

Mais, de tous, c’était encore Nangès le moins scandalisé. Voilà-t-il pas que, de la façon la plus imprévue, cet être raffiné, ce « produit évolué de la race », dirait un savant, se mettait à raisonner un peu à la manière des vieux soldats, quelque peu rugueux, de la chambrée !… Opinions du peuple saines… Les vieux disaient : « Eh ! eh ! il se dessalle, le petit gars ! » et Timothée ne pouvait s’em-