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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/184

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propres souvenirs de régiment. Le malheureux n’osait pas dire qu’il souffrait de voir son fils perdu dans ces casernes dont il se croyait lui-même avoir été l’une des victimes ; qu’il souffrait aussi de l’éloignement de Maurice, éloignement double, éloignement de l’âme et éloignement physique de la distance, éloignement infini quant à leurs âmes et fini quant à la distance qui les séparerait désormais.

M. Vincent racontait qu’étant au régiment, il avait été victime des brutalités d’un sous-officier et que c’était à la caserne qu’il avait fait l’apprentissage de la haine.

Il accablait aussi l’armée coloniale, dans son être et dans sa destination. Mais c’était surtout un point de vue mondain qui l’occupait. Il disait par exemple :

— Est-ce pour mener cette vie-là que je t’ai fait donner l’instruction que tu possèdes ?… Que répondrai-je lorsque l’on me demandera ce qu’a donc fait mon fils ?…

Et encore d’autres choses semblables. Maurice, accablé d’ennui, ne voulait pas répondre. De sa place, la main gauche à la tempe, il apercevait dans la campagne des meules anciennes, d’un jaune noirci, et qui