Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/26

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bouche. Il aimait les joies saines de la vie, les beaux chevaux, la chasse, le mouvement. À quarante ans, il n’avait d’autre ambition que de conserver son étonnante vigueur physique et que ses jours fussent beaux et unis comme le vol tendu des grands oiseaux de mer. Non que, habitué à la solitude, il n’eût connu les troubles d’une conscience ardente et inquiète, d’une sensibilité délicate toujours abandonnée à l’impression du moment, toujours attentive à la minute qui passait. Mais, peut-être pour ces raisons mêmes, avait-il éprouvé le besoin d’organiser son existence sur quelques réalités simples, que la jeunesse qu’il avait conservée à son cœur ne servait qu’à fortifier et à mieux asseoir. Il s’était installé dans une sorte de félicité intérieure, austère et sérieuse.

Elle lui venait surtout de l’exercice passionné de son métier, où il apportait une sorte de mysticisme singulier, et autant peut-être de l’ardeur qu’il mettait à saisir les faces changeantes et diverses de la vie. Ainsi, en même temps, c’était un soldat d’autrefois, un homme que toute idée moderne blessait et en même temps un homme profondément attaché à son siècle, en ce sens qu’il en avait toutes les inquiétudes,