Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/27

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tout le trouble, le sombre tourment… M. Nangès avait d’ailleurs quelques biens, mais, trop replié sur lui-même, trop intérieur, il ne savait pas en tirer de grandes joies. Il avait eu un beau passé au Soudan, mais n’en avait jamais attendu de récompenses dans le monde. Il existe encore aujourd’hui de tels hommes.

Timothée avait d’ordinaire comme compagnon de chasse un jeune garçon dont le visage lui plaisait extrêmement. Il se nommait Maurice Vincent. Il était le fils de l’instituteur du village. Le capitaine Nangès aimait son regard qui s’essayait sur la vie, son impatience ; il trouvait du bonheur à être près de lui, dans la campagne familière.

Ils enfonçaient dans la terre chaude et marneuse. Le silence était adorable, mystérieux, comme s’il était fait de bruits lointains qu’on n’entendait pas. Alternativement, ils sifflaient le chien, le vieux setter Briquet…

Le dernier jour, celui du départ de Nangès pour sa garnison de Cherbourg, ils sortirent de bonne heure. Il tombait une bruine fine. Tous deux ne parlaient guère. Le capitaine n’était pas bavard. Comme ils marchaient depuis une heure, il dit seulement :