Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/52

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— Notre fierté nous suffit. Nul ne pourra nous l’enlever. Il y a eu des tentatives. On parlait un moment de mélange avec la nation. Nous restons moralement au-dessus d’elle. La nation ne nous ressemble pas : elle roule dans le progrès. Nous, notre rôle, c’est de conserver un certain fonds moral, tel que nous l’avons reçu.

Labastière voyait un avenir plus sombre :

— Nous avons à peine notre place dans le monde, et, dans quelque temps, nous ne l’aurons plus du tout. Tout évolue, et du train où vont les choses, nous serons vite emportés par la tourmente. Il nous faut mourir ou acquérir le sens des réalités modernes.

Labastière était, si l’on peut dire, un « moderniste ». Il y a aussi une sorte de modernisme dans l’armée. Le modernisme est la grande épreuve de l’Église. C’est aussi l’épreuve de l’armée. Mais Nangès pensait que l’un et l’autre ordre étaient assurés de la victoire. Pourtant Labastière eut une remarque amère qui étreignit Timothée au cœur :

— Pendant ce temps-là, nous nous préparons des années d’histoire vide, — car c’est cela qui est effrayant, — mais complètement vide. Pensez-vous à ce que pourront dire plus