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Selon le désir de son maître, la belle Valérie avait quitté la maison de la place Napoléon, où elle ne recevait plus guère qu’une hospitalité nocturne, après y avoir presque régné en maîtresse de maison. C’était du vieil amour qui se prolongeait, se propageait dans le temps, vivait de sa cendre, vivait d’ennui, de lassitude.

La pièce où entra Timothée était d’un goût ancien et magnifique. Les meubles y étaient peu nombreux, mais parfaits de style. Là, on aurait vainement cherché des traces d’exotisme. Point de sagaies africaines, de potiches chinoises, d’estampes japonaises. M. Nangès avait seulement quelques étonnantes tapisseries, au milieu desquelles il aimait à se reposer des fatigues de sa vie errante. Sur la haute cheminée, un seul objet : une réduction en bronze du fameux Gattamelata de Padoue.

Dans la chambre, persistait encore l’odeur aiguë de la jeune femme. Elle irrita Timothée que de mâles pensées agitaient. Alors il monta dans une petite chambre toute nue, claire, blanchie de chaux, qu’il avait fait aménager au deuxième étage de la maison. Dans cette cellule, il allait souvent fumer, rêver sur un livre de mathématiques.