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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/89

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l’individualiste qu’était Nangès, et qu’il s’étonnait d’accepter plus facilement qu’il ne l’eût fait autrefois.

Tous les soirs, il faisait une promenade solitaire au bout de la jetée du vieux port. C’était l’heure où il pouvait le mieux s’examiner et descendre en lui-même. Il pensait qu’il était vieux, que bientôt il pourrait prendre sa retraite, se terrer dans un coin de campagne, entre ses chiens et ses chevaux.

Et même, il en venait, pour la première fois de sa vie, à désirer le mariage et à vouloir fonder un foyer. Il croyait voir que le règne des soldats était fini. D’ailleurs, il n’avait pas à se plaindre. Il avait encore connu le beau temps, le temps de la gloire militaire. C’est ainsi qu’en France, il avait connu l’époque où tout un peuple acclamait un général et le demandait comme maître. Il était à peine concevable que ce fût hier. Il avait connu le Soudan d’Archinard, hier encore, mais si loin, au contraire, si reculé dans la mémoire ! En somme, maintenant, il souhaitait de se marier.

Accoudé au rebord de pierre de la jetée, le capitaine se plaisait à suivre l’arrivée des