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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/90

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barques de pêche ventrues et rebondies. De loin, elles semblaient presque immobiles. Mais quand elles passaient devant lui, elles fuyaient vite, penchées sur leur bord et, dans un petit clapotis d’eau, viraient brusquement pour prendre l’étroit chenal qui menait au bassin. Il y avait des enfants qui s’amusaient près du phare et couraient autour.

— Avoir une petite tête blonde à caresser, se disait Nangès. N’être plus seul !

Il pensait écrire à sa vieille mère de lui chercher une femme aimable et dont il eût envie d’avoir de beaux enfants.

— Pour un choix si important, se disait-il encore, il ne faut rien moins que la délicatesse infinie d’une mère.

Ainsi méditait Nangès sur la jetée de Cherbourg, tandis que la nuit livide, pleine de bruits vagues et de plaintes, se faisait sa complice. Mais sitôt qu’à l’heure du bridge il se retrouvait sous les ampoules blafardes du Grand Café, il n’était plus le même homme. Il venait là, insouciant, l’allure dégagée, bien allante, et jusqu’au moment où, les cartes étant données, il se consacrait tout entier à son jeu, c’était le causeur le plus aimable que