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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/147

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PHYLLIS

l’emporter ; l’ayant mis sous ma mante, j’ouvris la porte avec des précautions infinies, car, si Mark était en bas, Anna pouvait être restée dans la galerie et guetter mon réveil.

Un coup d’œil au dehors… Personne.

Évitant le grand escalier, où j’aurais pu rencontrer celui que je voulais éviter à tout prix, je fis quelques pas dans le corridor, pour aller retrouver un petit escalier tournant qui facilitait le service et aboutissait à une antichambre sur laquelle ouvraient d’un côté les portes de nos appartements, de l’autre celles des domestiques.

Le difficile serait de traverser ce passage fréquenté sans rencontrer personne.

Évitant de faire craquer les marches, je descendis pas à pas, retenant mon souffle pour mieux entendre : les voix des gens m’arrivaient de l’office à gauche. À droite, c’était le silence. Le cabinet de Mark était là ; cette pièce retirée qu’il avait choisie dans une aile du château pour être plus seul avait une sortie de ce côté.

Y était-il ?

Le bouton de la porte était sous ma main, je n’avais qu’à oser entrer, et, tout de suite, lui jeter au visage ces mots cruels qui me brûlaient les lèvres.

Je levai lentement la main. J’hésitai…

Puis, je la laissai retomber et traversai le vestibule en courant… J’avais honte pour lui, une pudeur me retint de dire à cet homme que jusqu’alors j’avais respecté :

— Vous m’avez trompée par votre silence qui était une lâcheté et par vos actes qui me sont une cuisante offense… Vous aviez gagné mon affection, ma tendresse, et maintenant je vous hais parce que vous voulez détruire ma vie. C’est à cause de votre conduite que je pars, m’enfuyant comme une malheureuse, alors que celle que vous me préférez rentrera peut-être ici en souveraine.

Cette pensée me fut tout à coup si pénible que je comprimai un sanglot qui me montait à la gorge.

Vite, d’une main tremblante, j’ouvris la porte du fond, c’était celle de la serre qui s’étend sur tout ce côté de la maison. De là, me glissant sous les branches et tressaillant au plus léger bruit, je pénétrai dans les salons ; je voulais gagner ainsi la grande porte du hall, croyant que j’aurais plus de chances de passer inaperçue, qu’en traversant la terrasse au dehors. Il devait déjà être tard. Un demi-jour atténué filtrait dans les grandes pièces vides. En un rapide regard en arriéré, je revis la brillante société réunie naguère dans ces murs, notre bal si