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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/173

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PHYLLIS

légitime ! Simple question de prudence et de savoir-vivre !

— Suivant vous, M. Carrington aurait une liaison avec miss Dilkes ? Et vous me disiez tout à l’heure qu’elle est une fille respectable. Vos opinions varient d’une minute à l’autre. Mais je comprends votre jeu. Ce que vous faites est d’un lâche !

Il pâlit davantage, et je me détournai de lui avec dégoût.

L’émotion de ces dernières minutes était trop forte pour mes forces affaiblies. Je me sentis prise de vertige et je me laissai retomber sur ma chaise la tête appuyée sur mes bras, accoudés à une table. Sir Francis me crut évanouie. Il se rapprocha de moi, mais la seule pensée que cet homme pouvait me toucher me rendit du courage et je relevai lentement la tête.

Je me rendis compte qu’il parlait.

— Si je suis un lâche, dit-il avec aplomb, je l’ai peut-être été moins qu’un autre. Malgré tout, Mark vous a fait un tort irrémédiable. Qu’êtes-vous devenue grâce à lui ?

« Une malheureuse femme sans foyer, exposée aux moqueries du monde. Il vous a amenée à venir vous enterrer dans ce coin perdu au lieu de tenir la place et le rang auxquels vous aviez droit. Il a détruit votre jeunesse et ruiné votre santé, voilà ce dont vous avez à le remercier !

— L’indéniable vérité de vos paroles les rend plus agréables à entendre, lui dis-je avec amertume. Mais le tout serait de savoir si ce n’est pas par ma propre faute, en fuyant toute explication, que j’ai appelé ces malheurs sur ma tête…

— Aujourd’hui, continua-t-il, vous voulez vous leurrer en cherchant à l’innocenter ou m’en imposer à moi. Mais je sais que vous ne l’aimez pas…

Je fis un mouvement pour parler, il ne m’en laissa pas le temps.

— Je le sais parce qu’à Strangemore j’ai étudié de près vos manières d’être avec votre mari, et j’ai constaté plus de cent fois que vous n’éprouviez pour Carrington qu’une attention très modérée. L’amour, tel que je le conçois, s’exprime d’autre façon, et vous méritez de connaître la passion dans ce qu’elle a de plus ardent. Alors seulement vous saurez ce que c’est que de vivre. Et vous n’avez pas vingt ans !

— Monsieur !

— Puisque, continua-t-il à voix basse, sans remarquer mon interruption, puisque votre mari lui-même accepterait le divorce, proposez-le-lui, rendez-