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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/185

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PHYLLIS

sion de passer assez de temps l’un avec l’autre pour nous apprécier mutuellement.

Ce soir nous nous trouvions seuls après le dîner.

Quand nous eûmes longuement parlé de mes tristes affaires :

— Et toi, Roly, lui dis-je, où en es-tu avec la fille du colonel ?

— Ah ! fit-il d’un air ennuyé, cela ne va pas comme je le voudrais. Miss Helen est fantasque. Tantôt ce sont des sourires à vous tourner la tête et, d’autres fois, c’est à peine si elle daigne vous connaître. À plusieurs reprises elle m’a offert de me rendre sa parole.

— Tu croyais être si sûr de son amour ?

— Oui. Il y a six mois. Depuis Noël nous avons un nouveau capitaine, laid, vulgaire, idiot… Seulement il a cinquante mille « livres » de rente et le cœur de ma Dulcinée n’est pas à l’épreuve de tant de millions. J’ai souffert le martyre, acheva Roly en laissant paraître sur son visage rayonnant de santé et de jeunesse une expression de désespoir.

— Tu l’oublieras, dis-je doucement.

— Parbleu oui ! s’écria-t-il. C’est ce que j’ai de mieux à faire. Ah ! où trouver jamais une fille à l’esprit sain et droit contente de son sort, qui soit disposée à faire le bonheur d’un homme sans en chercher si long.

— Peut-être pas très loin, fis-je en souriant. Tu ne sais donc rien voir ?

— Qui veux-tu dire ?

— Aveugle !… aveugle !

Je le regardai dans les yeux… il rougit jusqu’aux oreilles et je compris à qui il pensait,

— Tu crois qu’elle pense toujours à moi ?

— J’en suis certaine. Sais-tu quel vœu elle a fait cet hiver ? Mon Dieu, il n’y a guère que trois ou quatre mois, à la Fontaine aux Souhaits ? Celui de devenir la femme de certain officier…

Roland réfléchit profondément ; enfin il dit d’un ton sérieux :

— Les Hastings n’ont presque pas de fortune et il y a trois enfants. Sais-tu ce qu’est la vie d’un ménage d’officier sans argent ?

— S’ils s’aiment l’un l’autre et sont heureux, ils seront toujours assez riches, répondis-je.

Mon frère me regarda avec, étonnement ; puis, il se leva et parla d’autre chose. Dans le cours de la soirée il fut plusieurs fois distrait. Quand mère lui demanda, à l’heure du coucher, ce qu’il ferait demain :