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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/187

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PHYLLIS

15 août.

Le rayonnement du bonheur de certaines personnes est tel qu’il met de la joie dans toute une maison ; c’est ce qui arrive ici dans la villa que les Hastings ont louée en vue de la mer.

Roland loge dans un hôtel voisin, mais, dès huit heures du matin, sa forte voix retentit dans le hall, et à minuit il faut absolument le mettre à la porte.

Pareil débordement d’amour heureux que je n’ai jamais connu m’étonne et, par instants, m’attriste encore plus.

Non point que le moindre sentiment de jalousie effleure mon esprit, mais s’il est vrai, comme le dit Dante, que le plus grand tourment des damnés soit le souvenir de leur bonheur passé, je crois que je fais en ce moment mon purgatoire sur terre.

Hier, dans l’après-midi, ils se croyaient seuls dans le petit jardinet de la villa. Roly tenait la taille de sa fiancée, ils se parlaient cœur à cœur et souvent un baiser achevait leurs phrases.

Il y avait tant d’harmonie dans leurs pas, leurs gestes, leurs regards étaient si empreints d’amour vrai que je ne pus y tenir.

Une griffe me serra le cœur.

Malgré moi, la pensée de ma situation désolée me fit venir les larmes aux yeux et je montai rapidement à ma chambre pour y cacher mon chagrin.

Oh ! Mark, mon mari, mon aimé, quand reviendrez-vous ?

17 août.

Ma santé devient meilleure tous les jours, bien que le moral ne soit pas très brillant et qu’il suffise de presque rien pour bouleverser mon système nerveux.

Hier soir, les Hastings avaient invité des amis de passage, les de Vere, à dîner. J’aurais bien préféré ne pas y être, mais je pensai que me faire servir dans ma chambre compliquerait le service et je m’attache, autant que possible, à ne pas me singulariser. Je passai donc une robe du soir — j’ai emporté une grande partie de celles que j’ai à Strangemore, — et me rendis au salon.

Pendant le repas, je tressaillis soudain en entendant prononcer mon nom.

M. de Vere disait :

— Nous avons beaucoup voyagé en Suisse et dans la partie de la France qui avoisine la frontière. Hilda, — il s’adressait à sa femme,— n’était-ce pas à Chamonix que nous nous arrêtâmes plusieurs jours en revenant sur Paris ?

« Vous jugez de notre étonnement en retrouvant