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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/63

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PHYLLIS

ton désespéré, et du grand monde surtout… c’est à en mourir de peur !

— Rassurez-vous, ma chérie, je serai près de vous pour vous aider. Je suis sûr que vous vous en tirerez parfaitement.

— Tout cela est très joli, dis-je, sérieusement alarmée, mais vous serez à la chasse du matin au soir et ce sera moi qui devrai m’occuper des dames et les divertir. Je sens que je serai morte avant la fin du premier jour ! Non… Mark, si vous m’aimiez vous ne voudriez pas me rendre si malheureuse.

Mon accent pathétique le fit rire aux larmes.

— Ma petite fille chérie, dit-il enfin, malheureuse, parce que vous recevrez des visites d’amis ? Mais… Phyllis, si ce projet vous déplaît tant, n’en parlons plus. Nous resterons seuls ici, tous les deux, quoique — avec un soupir de regret — cela me paraisse un crime de laisser perdre tout ce gibier. Maintenant, souriez, êtes-vous contente ?

Mais je ne suis pas contente du tout et je ne veux pas sourire.

Cette crainte stupide des étrangers est-elle digne d’une femme mariée ?

Honteuse de ma sotte timidité, je résolus de supporter la terrible épreuve sans faiblir.

Et prenant un parti héroïque :

— Mark, commençons tout de suite la liste des invitations. Qui sait ? Peut-être que parmi nos invités quelques-uns voudront bien me témoigner de l’amitié.

— Je n’en doute pas, petite fée. Je souhaite seulement que les hommes s’en tiennent à l’amitié. Voyons, qui allons-nous inviter ? ajouta Mark en tirant un crayon et un carnet de sa poche.

Je me levai et allai regarder par-dessus son épaule.

— Ma sœur Harriett d’abord et son mari. Ils seront libres la semaine prochaine. Elle vous connaît à peine et je désire que vous deveniez bonnes amies.

— Mon Dieu, que deviendrai-je si je sens que je déplais à votre sœur ?

— Eh bien ! fit Mark d’un ton provocant, si Harriett désapprouve mon choix, je demande le divorce.

Une chiquenaude sur son oreille fut sa punition.

Je me penchai sur le bras de son fauteuil.

— Vous ressemble-t-elle un peu, au moins ?

— Vous ne pouvez pas imaginer plus grand contraste. Son caractère est très décidé, elle tient son mari en laisse tandis que moi, pauvre misérable, tyrannisé du matin au soir, je suis un être faible et dépourvu de volonté.