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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/62

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PHYLLIS

C’est bien à son tour maintenant de porter mes robes !

Et l’on m’apprit la grande nouvelle.

Roland est réellement fiancé à la fille du colonel et celui-ci a écrit à papa pour l’assurer du plaisir qu’il en a…

La tournée s’envola trop vite à mon gré, et lorsque, le soir, Mark arriva pour me réclamer, l’étrange sensation de parfait bonheur, de joie complète, qui m’avait envahie en revenant dans la vieille maison, me rendit presque honteuse, et me donna du remords.

Pourquoi, mon Dieu, ne puis-je ressentir pour Mark cet amour exclusif et romanesque qui fait que certaines jeunes femmes peuvent quitter leur famille — même celles qui y ont été très heureuses — sans éprouver une ombre de regret ? Certes, je l’aime de tout mon cœur, il est le plus charmant, le plus attentionné des maris, bon jusqu’à la faiblesse, et je devrais l’adorer, mais je ne puis y parvenir.

Et cependant je suis heureuse autant que je puis l’être. Je n’ai ni chagrins ni soucis…

Tous mes désirs sont comblés avant que d’être exprimés et ma crainte d’être ingrate envers mon mari pour toutes ses bontés, et mon inquiétude concernant les souvenirs du passé, s’évanouissent quand je constate à quel point je suffis à son bonheur.

Seule, sa jalousie envers les miens trahit quelquefois son désir passionné de posséder plus complètement mon cœur.


II


— Qui voulez-vous inviter pour les chasses ? me demanda Mark un matin à déjeuner. Il est temps d’y penser, n’est-ce pas ?

Je fus consternée. Vraiment, ne pouvions-nous vivre ainsi tranquilles, tous deux ?

— Oh ! Mark, m’écriai-je, est-ce bien nécessaire ? Quand ils seront là, faudra-t-il que je m’occupe de tout ce monde ?

— Mais, je le suppose, répliqua-t-il en riant, bien qu’il ne soit pas impossible que nos invités se suffisent à eux-mêmes.

« Souvenez-vous, petite femme, que plus vous en inviterez et plus ils vous laisseront la paix ; aussi, nous allons remplir la maison.

— J’ai vu si peu de monde dans ma vie, fis-je d’un